
La Bénichon, une tradition ancestrale
Cette tradition trouve son origine dans la fête de la bénédiction, c'est-à-dire la fête de la dédicace de l'église paroissiale (fête patronale), et partout on organisait grandes cérémonies et joyeux festins. On ne sait pas exactement depuis quelle époque a été fêtée la dédicace de l'église paroissiale, mais on peut croire que cette coutume religieuse remonte aux premiers siècles après J.-C, voire au début des temps chrétiens. La fête alors devait avoir un caractère purement sacré et austère et ce n'est que petit à petit qu'elle a dû dégénérer en réjouissances profanes, tout en gardant son fond et son aspect religieux.
Petit à petit, la fête profane pris le dessus sur cette fête qui devait être, à l’origine et comme déjà mentionné, celle de la paroisse. Rien d’étonnant donc que des interdictions aient été prononcées par les autorités tant cantonales, ecclésiastiques que communales pour éviter les désordres comme le démontre ce texte datant de 1727 : « Le 5 septembre 1727, l'honorable commune de Ruèyres, assemblée au sortir de l'église, ayant considéré et fait attention aux suites fâcheuses que causent les bénichons, a, d'un commun accord et pour des raisons particulières, arrêté que dans l'espace de huit ans on ne fera aucune bénichon (danse) dans la commune, sous le ban (amende) de dix florins. (image 01)
Ces interdictions n’étant pas scrupuleusement respectées par le bon peuple, il fallut se rendre à l’évidence que ces réjouissances répondaient à un véritable besoin de la population, notamment rurale. C'est ainsi qu’en 1747 fut promulguée l'ordonnance qui a pour nous le plus grand intérêt, celle qui fait étape dans l'histoire des dédicaces, et qui marque l'origine de la bénichon telle que nous l'avons encore. Nous avons décrété et ordonnons par les présentes, que dans les lieux de notre obéissance, sans exception d'aucun, toutes les réjouissances et divertissements des dédicaces soient remis et fixés au deuxième dimanche de septembre, auquel jour seulement il sera permis de danser et se divertir, quoiqu’avec modération, tant sur les places publiques que dans les cabarets et bouchons, et dans les endroits où se vend ordinairement du vin, Octroyons d'en pouvoir vendre à tels jours, mais hors le jour ci-dessus fixé, nous défendons sévèrement de danser, tant en places publiques que cabarets et autres.
Il faudrait se garder de croire que la bénichon est une fête essentiellement locale, qui ne se voit qu'à Fribourg. Au contraire, on la retrouve un peu partout, dans les campagnes de Suisse allemande, comme sur les coteaux du Jura ; dans les monts de Savoie comme dans les landes du Nord. En Suisse allemande, la fête prend le nom de «Kilbi » ou « Kirchweihe ». Ainsi, on retrouve la même origine à ces fêtes et partout elles servent d'excuse à de nombreux plaisirs.
Le menu de la Bénichon (image 02)
Il n’y a pas que la danse à la Bénichon ; il y a aussi et surtout une tradition culinaire qui a traversé les siècles, à savoir le menu de Bénichon. Les différentes parties du menu sont connues depuis longtemps. Par exemple, le jambon à la borne est mentionné au 17ème siècle déjà, alors que l’on trouve mention de la poire à botzi en 1744 et celle de la cuchaule en 1558 déjà. La moutarde de bénichon est elle aussi ancienne mais elle était connue d’abord sous le nom de moutarde aux épices. Au courant du 19ème siècle, on parle des friandises qui terminent le repas, telles que croquets, bricelets, pains d’anis, beignets et cuquettes. Aujourd’hui, le menu de la Bénichon se présente en général comme suit, sachant que l’on connait, bien entendu, des différences régionales :
- Cuchaule et moutarde Bénichon
- Seisler Voräss (en Singine, abats de mouton au raisin)
- Soupe aux choux
- Jambon de la borne et spécialités de viandes fumées, choux, carottes et pommes de terre
- Gigot ou ragout d'agneau au raisin, poire à Botzi, purée de pommes de terre
- Gruyère et Vacherin
- Meringues et double-crème
- Café et mignardises de Bénichon
La société de jeunesse est elle aussi active puisqu’elle participe, année après année, au cortège du dimanche. Elle s’est particulièrement faite remarquée en 1969 après que le gouvernement cantonal eu décidé d’abolir le lundi de bénichon, jour férié dans notre canton. La télévision romande était sur place et a filmé le cortège funèbre emmené par la fanfare d’Ecuvillens-Posieux et les majorettes. Il s’en suivit une incinération du cercueil de feu M. Lundi de Bénichon sur la place du village. La Liberté, en sus de l’avis mortuaire, parle dans sa Chronique d’Ecuvillens-Posieux du 16 septembre comme suit de cet événement important (voir images 04 et 05)
Calendrier (image 06) Au fil du temps, les autorités ont décidé d’ancrer la Bénichon le 2ème dimanche de septembre pour la plaine et le 2ème dimanche d’octobre pour la montagne. En septembre, elle marque la fin des travaux des champs, alors qu’en octobre c’est le retour des troupeaux après l’estivage qui en est à l’origine. C’est d’ailleurs à l’occasion du lundi de Bénichon que l’on payait traditionnellement l’armailli qui avait passé l’été à l’alpage avec les troupeaux. Cependant, la résistance populaire et les particularismes locaux font que la Bénichon est fêtée pratiquement toute l’année. En effet, la première Bénichon se fête à Broc avec même le carnaval, alors que la dernière se fête le 31 décembre dans le village de St. Sylvestre en Singine. La plupart des villages singinois bénichonnent cela dit le 2ème dimanche de novembre, soit aux alentours de la Saint-Martin (11 novembre). Cette date coïncide avec la fête patronale de Tavel (Tafers), chef-lieu de la Singine, dont la paroisse englobait jusqu’à la fin du 19ème siècle les villages de St. Antoine, Heitenried et St. Ours. La Bénichon en novembre se justifie aussi du fait que la viande y joue un rôle important et que c’est la bonne saison pour tuer le cochon.
Source: Hauterive Info no 26 - septembre 2023; Auteur: Jean Denis Chavaillaz
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